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Quelles opportunités offre la pratique d’ambush marketing ? Quels sont ses risques ?
Auteur : Hugues Collette
Publié le :
07/01/2020
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2020
L’entreprise qui souhaite aménager sa communication marketing à l’approche d’un événement majeur comme une compétition sportive internationale, un festival ou un concert en y faisant référence de manière plus ou moins explicite doit cerner les écueils qui pourront venir entraver sa campagne publicitaire.
Certaines entreprises n’hésitent pas s’y associer directement, sans avoir au préalable conclu de partenariat avec l’organisateur dudit événement. Cette pratique qui s’appelle l’ambush marketing est appréhendée par le droit.
Un tel encadrement juridique doit être analysé par toute entreprise qui souhaiterait se lancer dans une telle pratique afin de mesurer les opportunités et risques qu’une telle pratique peut apporter.
Définition
Parmi l’ensemble du spectre des agissements qui peuvent engager la responsabilité délictuelle d’une entreprise, figure la pratique d’embuscade commerciale, encore appelée opportunisme commercial et en anglais ambush marketing. Elle a été définie par la Cour d’appel de Paris comme :
« une stratégie publicitaire mise en place par une entreprise afin d’associer son image commerciale à celle d’un événement et donc de profiter de l’impact médiatique dudit événement sans s’acquitter des droits qui y sont relatifs et sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de l’organisateur de l’événement » (CA Paris 8 juin 2018 n°17/12912).
Elle s’apparente, d’un point de vue économique, à la théorie du passager clandestin ou free-rider, appliqué à un événement sportif ou culturel, dont l’organisation nécessite des investissements financés pour partie par des partenariats donnant à des acteurs économiques un statut privilégié et exclusif contre rémunération, et qui bénéficie d’une certaine notoriété dont lesdites entreprises espèrent jouir en s’y associant.
Bien souvent, une telle association, utilisée par ces entreprises comme un outil promotionnel diffusé largement à l’occasion de l’événement en cause, attise l’imagination de leurs concurrents qui peuvent chercher, par des voies détournées, à profiter eux aussi de l’engouement créé par ledit événement, en y faisant également référence de manière plus ou moins explicite.
Cadre légal
En vertu du principe de libre communication, l’utilisation de mots faisant partie du langage commun et libre d’emploi n’est pas en soi répréhensible.
Une entreprise est ainsi parfaitement libre de communiquer par des mots, des couleurs, des images ou des symboles autour d’un univers sportif ou culturel comme le cinéma pour promouvoir ses activités. Il a été à cet égard rappelé que l’emploi des mots tels que « 7e art » ou « Cannes » dans une communication promotionnelle est en soi parfaitement licite (CA Paris 8 juin 2018 précité).
En revanche, une communication promotionnelle ne doit pas conduire à commettre une pratique sanctionnable sur le fondement de :
- l’article 1240 du Code civil, au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme ;
En vertu d’un tel fondement, « sont (…) contraires aux usages loyaux du commerce les agissements parasitaires qui consistent pour un agent économique à s’immiscer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de son savoir-faire et de ses investissements non protégés par un droit de propriété intellectuelle » (CA Paris 8 juin 2018 précité).
- l’article L. 121-2 du code de la consommation sur les pratiques commerciales trompeuses ;
Sur ce fondement, sont sanctionnables les pratiques qui créent « une confusion avec un autre (…) service d’un concurrent » et qui « repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur (…) l’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel », dès lors qu’elles sont de nature à altérer le comportement économique du consommateur moyen et raisonnablement informé.
- des dispositions légales créant des droits privatifs :
Il peut s’agir de droit des marques (L. 713-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle) ou les dispositions spécifiques protégeant les droits exclusifs et l’exploitation économique des manifestations sportives (L. 141-1 et suivants, modifiés par la loi n°2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, ainsi que les articles L. 333-1 et suivants du code du sport).
De telles dispositions légales protégeant l’organisation de manifestations sportives vont jusqu’à permettre à un organisateur d’un événement sportif, tel que la course transatlantique Route du Rhum, de restreindre et de facturer l’accès à des zones accréditées en mer (CA Paris 3 octobre 2019 n°17/07179).
Pratiques sanctionnées
Les organisateurs d’événements internationaux ainsi que les entreprises ayant conclu un contrat de partenariat leur donnant un statut particulier vis-à-vis de cet événement se montrent d’autant plus vigilants sur le respect de leurs droits par les tiers que le montant de leurs investissements est important et que le détournement opéré par ces tiers est lucratif.
Ainsi, les dernières affaires d’ambush marketing ayant donné lieu à une décision judiciaire mettent en prise des organisateurs ou partenaires d’événements internationaux, comme les Jeux Olympiques, la Coupe du Monde de Rugby ou le Festival de Cannes, que ce soit contre des tiers ayant mis en place des activités commerciales en parallèle de l’événement ou des entreprises en concurrence directe avec lesdits sponsors.
A titre d’illustration, il a été jugé que l’évocation de l’univers olympique par un signe imitant les anneaux et le terme olympique, concomitamment à l’organisation de jeux olympiques de Rio, par un acteur économique ne disposant d’aucun statut de partenaire de ladite manifestation, est susceptible de constituer une contrefaçon, une violation des droits légaux de l’organisateur, une atteinte à sa dénomination sociale ainsi qu’un acte de parasitisme (TGI Paris 7 juin 2018 n°2016/10605).
De même, le fait de faire valoir, sans droit ni autorisation préalable de l’organisateur et de manière ambiguë, le terme « officiel » dans sa propre communication dédiée au Festival de Cannes, dès lors que ce « terme acquiert une signification spécifique pour désigner » les partenaires de cet événement, ou le fait de laisser croire à l’existence un lien particulier avec l’événement, comme un accès privilégié aux coulisses du festival, constitue un agissement illicite au motif que :
la liberté du commerce « ne saurait l’autoriser à créer une confusion et à l’entretenir au détriment (d’une entreprise concurrente et partenaire de l’événement) en ce que celle-ci à seule des liens de partenariat lui assurant à titre exclusif le titre de partenaire officiel, ni à tromper le consommateur sur sa qualité et à le détourner de son concurrent, profitant ainsi sans bourse déliée des investissements réalisés par celui-ci pour financer ce partenariat » (CA Paris 8 juin 2018 précité).
Même le cocontractant d’un organisateur d’un événement est susceptible, s’il excède les prérogatives contractuelles de l’accord de partenariat conclu avec ledit organisateur, d’engager sa responsabilité délictuelle, encore faut-il que ledit organisateur démontre que son cocontractant ait violé l’un de ses droits privatifs et lui ait causé un préjudice (TGI Paris 8 février 2018 n°15/06519).
Enfin, le fait de se revendiquer comme le repreneur d’un spectacle en laissant entendre qu’il s’agit d’une reprise de l’oeuvre antérieure simplement rebaptisée est constitutif d’un parasitisme et d’un acte de concurrence déloyale (Cass. civ 1. 31 janvier 2018 n°15-28352).
Risques encourus
Le préjudice réparable découlant de la violation des droits exclusifs d’un organisateur d’événement sportif ou culturel recouvre, sur le fondement de la responsabilité civile :
- La perte d’un avantage concurrentiel, et plus précisément une usurpation d’une valeur économique qui diminue la valeur des investissements effectués par l’organisateur ou le sponsor, dont le montant est déterminé au regard des investissements réalisés par la victime des pratiques, sans qu’il y ait besoin de les minorer au regard des propres investissements engagés par l’auteur des pratiques litigieuses.
Les juges ont également relevé qu’une telle embuscade a pour effet de limiter pour son auteur « la prise de risque quant au succès commercial d’une valeur économique qui avait fait ses preuves » (Cass. civ 1. 31 janvier 2018 précité) ;
- La perte de marge brute lorsque des billets d’entrée à un événement sportif ont été vendus en violation des droits exclusifs de son organisateur (CA Paris 29 novembre 2019 n°17/22131) ;
- Le préjudice moral « lié à la baisse du pouvoir d’attraction des signes du fait de leur utilisation non autorisée » (CA Paris 29 novembre 2019 précité ; TGI Paris 7 juin 2018 précité).
Le chiffrage du préjudice réparable se fait souverainement par les juridictions de fond, de façon forfaitaire et bien souvent en deçà des demandes judiciaires formulées, et ce même en présence d’attestations d’expert-comptable, versées en demande. Les montants alloués par les juridictions au titre des condamnations prononcées dans les affaires recensées vont de 20.000 à 300.000 euros. Des mesures en cessation des pratiques litigieuses ou en publication de la décision judiciaire ont également été ordonnées.
En droit des marques, l’article L. 716-4-10 du code de propriété intellectuelle prévoit que l'évaluation du préjudice découlant d'une contrefaçon se fait à l'aune du manque à gagner, de la perte subie, du préjudice moral ainsi que des « bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon ».
Remarques conclusives
Au titre de l’analyse de l’opportunité de la campagne publicitaire, l’entreprise examinera l’impact que l'association avec l’événement en question aura auprès de sa cible. Elle pourra envisager différents degrés de rattachement avec ledit événement.
Au titre de l’appréciation des risques, l’entreprise devra se poser un certain nombre de questions avant de diffuser une campagne promotionnelle en relation à un événement d’envergure :
- Sa communication marketing fait-elle usage d’un signe protégé par un droit exclusif ?
- Cette communication fait-elle planer un doute sur une relation privilégiée avec un événement précis ?
- Cette communication est-elle toute relative à un événement, sans s’en tenir à une référence à un secteur en particulier ou à des termes du langage courant ?
- L’impression globale dégagée par cette communication est-elle proche de celle d’événement précis ou d’un concurrent ?
- Est-elle suffisamment originale ?
- Est-elle concomitante à l’organisation de l’événement auquel elle entend faire référence ?
- Les supports de diffusion ciblent-ils précisément le public de cet événement ?
- Cette communication entretient-elle une quelconque confusion ? Est-elle trompeuse ?
Le bilan des réponses à ces questions permettra de dresser la cartographie des risques juridiques de la campagne publicitaire projetée.
Historique
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